QUOI DE NEUF SUR LA REDACTION MEDICALE ET SCIENTIFIQUE EN 2016 ?
Ernest Sumaili Kiswaya MD, PhD
Annales Africaines de Médecine
Rédacteur en chef adjoint
Faculté de Médecine /Université de Kinshasa
E-mail : sumailiernest2015@gmail.com
Les publications scientifiques sont un outil indispensable de la bonne pratique médicale. Elles permettent d’échanger/partager les expériences, de faire avancer le système (la recherche), la promotion au grade d’une carrière ; elles sont parfois un moyen de financement de la recherche. Contrairement aux institutions, les revues scientifiques jouent deux rôles supplémentaires à savoir : la certification (validation par le peer reviewer c’est à dire évaluation par le relecteur ou les pairs) et l’archivage de la science. Malheureusement, les revues ne publient fréquemment que les résultats positifs et plus que très rarement les résultats négatifs comme le projet OPEN (publiant spécifiquement les études négatives).
Les auteurs reconnaissent le plus souvent comme barrières à l’écriture : le manque de formation, la désorganisation du travail, et la barrière linguistique. Devant la pléthore de rapports scientifiques de qualité disparate, le monde scientifique a pris conscience de la nécessité d’agir afin de réduire les insuffisances et les dérives encore trop nombreuses. Ainsi, pour améliorer la valeur des écrits, divers codes de bonne conduite, instructions aux auteurs, guides méthodologiques et lignes directives ont été établies notamment celles de Vancouver (www.icmje.org). Chaque type d’articles (article original, cas clinique etc..) correspond une exigence d’écriture particulière. Ainsi, il est conseillé aux auteurs d’utiliser les instructions aux auteurs spécifiques à chaque revue en parallèle avec les directives relatives à la présentation de certains types d’études spécifiques (consultable sur www.equator-network.org) suivants : Consensus-based clinical case reporting guidelines development (CARE, pour les cas cliniques), Consolidated standards of reporting trials (CONSORT pour les essais contrôlés randomisés), Strengthening the Reporting of Observational studies in Epidemiology (STROBE, pour les études observationnelles de suivi de cohorte, cas-témoins, études transversales etc.), Preferred reporting of items for systematic reviews and Meta-analyses (PRISMA, pour les revues systématiques et les méta-analyses), Standards for reporting of diagnostic accuracy (STARD, pour les études sur la précision des tests diagnostiques), Consolidated criteria for reporting qualitative research (COREQ pour les rapports de recherche qualitative), Enhancing transparency in reporting the synthesis of Qualitative (ENTREQ pour les synthèses de recherche qualitative) et Standards for quality improvement reporting excellence (SQUIRE pour l’amélioration de la qualité des soins). Les annales africaines de Médecine encouragent vivement les auteurs à consulter les lignes directives sus-évoquées pour améliorer la qualité de manuscrits soumis, gage d’une acceptation plus rapide. Il existe également environ 200 logiciels spécialisés qui apportent une aide à l’organisation des références dans l’article (Endnote, Zotéro etc.). De références trop nombreuses traduisent l’absence d’esprit critique de l’auteur. Il ne faut citer que les références de documents publiés (pas de thèses, mémoires, travaux de fin d’études etc. non publiés), que l’on a choisi et lus pour leur intérêt et il ne faut pas chercher à être exhaustif (sauf pour les revues de la littérature).
Les publications croisées (le fait d’envoyer un article simultanément dans plusieurs revues) sont des faits réels dans nos contrées. Il existe plusieurs variantes. Dans certains cas, elles doivent être découragées et condamnées (double soumission ou publication antérieure et redondante) ou en revanche tolérée (publication secondaire acceptable ou manuscrit reposant sur la même base de données à certaines conditions décrites dans les lignes directives de Vancouver).
Les données sources (Tableau Excel ou SPSS etc) sont des plus en plus réclamées par des revues. Il existe actuellement, près de 78 registres pour la transparence des données. Cette exigence a été renforcée par l’existence des cas de fabrications, falsifications (ou embellissement) voir de plagiat (intentionnel ou non) des écrits et des auteurs fantômes (ou cadeaux) ayant conduit au retrait des quelques articles. Cette situation montre l’importance de la qualité, les rôles et les responsabilités des auteurs (qui doit être auteur et coauteur ?), qui sont décrits dans les recommandations de Vancouver citées plus haut. Des logiciels pour détecter les manipulations d’images et les plagiats sont actuellement disponibles.
On peut maintenant discuter un article publié plusieurs années avant. C’est le post publication peer reviewer organisé en réseaux sociaux notamment Pubmed commons (social networks) Academia qui font tomber des auteurs fraudeurs ou embellisseurs des articles.
Le pdf auquel une revue britannique a recouru pour la première fois en 1994, est de moins en moins utilisé. Actuellement avec la technologie avancée, les revues publient sous plusieurs autres formes notamment IPhone, Smart phone. Le lecteur n’accède plus à des revues mais directement à l’article par Smartphone. On y met des vidéos (surtout dans les revues spécialisées telles que de Chirurgie, Imagerie) de 15 à 30’.
Le marché mondial des revues scientifiques est une véritable industrie. En 2013, celui-ci a été estimé à près de 10 milliards des dollars (des revues publiant en anglais) avec 28.000 revues scientifiques (55% américains, 28% européens et Moyen-orient et le reste du monde), 2,5 millions d’articles/an et une croissance mondiale de 3%/an. Autrefois, c’est le lecteur qui payait sous forme d’abonnement. Avec l’avènement actuel de l’Open access, ce sont les auteurs qui vont de plus en plus supporter la production scientifique. Ce modèle auteur/payeur pourrait corrompre malheureusement le système de publication. Et en 2016, toutes les revues sont électroniques. Ceci a suscité l’avènement depuis 5 ans, des revues prédatrices ou piratent (~ 1000) inventées par les jeunes électroniciens dans le seul but de piéger les scientifiques et gagner de l’argent. Elles s’inspirent des revues existantes (même couleur et police de caractère voir même, les membres du comité de rédaction). Elles assurent une publication rapide (sans comité de lecture c à d sans certification par les pairs) et envoient des e-mails aux chercheurs ayant déjà publié (Pubmed) et proposent aux chercheurs de soumettre dans un numéro spécial, un article dans leur revue sans dire au départ que c’est payant (une fois acceptée, un montant discutable est proposé). Il s’agit là d’une pollution scientifique (400.000 articles ont été publiés en 2014 versus 53.000 en 2013) dont la pérennité n’est pas assurée. Il existe des sites qui répertorient ces revues dangereuses (www.scholarlyoa.com/publishers) qui peuvent gêner les systèmes de publication. Toutefois, certains auteurs sont peut-être consentants car ils veulent publier vite et à moindre frais.
De nos jours, le livre, le journal ou revue, l’article et le chercheur sont mieux identifiés. L’identifiant du livre est l’International standard book number (ISBN), celui du journal est l’International standard serial number (ISSN), celui de l’article est le Digital Object identifier (DOI qui est en voie de remplacer les URL qui changent trop facilement et qui sont trop liés à une localisation) et enfin celui du chercheur est l’Open researcher and contributor identifiant (ORCID) dit numéro passeport du chercheur (de plus en plus exigé à la soumission des articles dans une revue). Ce dernier s’obtient gratuitement en s’inscrivant sur le lien ci-après www.orcid.org
Des classements de journaux électroniques en fonction de la consultation de leurs articles existent déjà (www.facultyof1000.comm). Ces outils sont l’équivalent des facteurs d’impact qui mesurent la notoriété d’un journal. La mesure ne se fait plus sur le journal (Annales africaines de Médecine versus Mali Médical) mais sur l’article (auteur X versus auteur Y pour les thèmes précis mieux répertoriés dans Researchgate). Des sites permettent d’accéder au nombre de consultations électroniques de chaque article. De journaux publient la liste des articles les plus consultés ou téléchargés (sans savoir s’ils sont lus). Ainsi, de nombreux indicateurs pourraient remplacer le facteur d’impact (qui par ailleurs ne devrait jamais être employé pour évaluer des scientifiques, mais uniquement pour comparer des journaux). Ils seront à la disposition d’une communauté scientifique qui continuera à utiliser des comparaisons d’indicateurs, sans savoir forcément comment ils sont calculés, ni en connaitre les nombreux biais.
Les Annales Africaines de Médecine encouragent la vaste diffusion de directives de Vancouver reprises ci-dessus (version française), pour aider les auteurs, les rédacteurs et les autres intervenants dans l’évaluation des pairs (reviewers) et de la publication médicale à produire et diffuser des articles précis, clairs, reproductibles et impartiaux. Elles s’engagent en outre à s’y conformer.
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