skip to Main Content

Prise en charge du patient polytraumatisé : perspectives locales Local management of polytraumatic patients

.:: Auteur : Nzamushe Jean Robert

Praticien Hospitalier, Chirurgie générale,
Pole de l’Urgence, Centre Hospitalier Régional et Universitaire (CHRU) de Lille, France

Résumé

Plus que sur des moyens technologiques médicaux adaptés, l’optimisation des soins du patient polytraumatisé repose d’abord sur une stratégie de prise en charge simple, reproductible et efficace. Un protocole systématique permettra un gain de temps dans un contexte de gravité où le pronostic dépend de la rapidité d’intervention(1).

Dans un premier temps, il convient d’identifier les circonstances traumatiques susceptibles de provoquer un polytraumatisme. Ces facteurs de risque ont déjà été bien définis dans la littérature(2). La prise en charge de ces patients débutera sur le lieu même du traumatisme par une sécurisation des conditions de transport : ambulance médicalisée, plan dur, minerve cervicale rigide. Le patient bénéficiera systématiquement d’un gramme Intra veineux d’acide tranexamique (Exacyl®), permettant de réduire le taux de mortalité due à un choc hémorragique (3). Les patients seront ensuite transférés rapidement vers des traumas centers c’est-à-dire des hôpitaux munis de soins intensifs et/ou d’une réanimation, ainsi que d’une salle d’opération disponible à toute heure. Au sein du centre, le patient sera pris en charge dans un espace spécifique, le déchocage.

Des équipes médicales et paramédicales dédiées, Ann. AAnfrn. .M Aefrd.. ,M Veodl..8, ,V No°l.2 8, ,M Na°r 2s ,2 M01a5r s. 2015 11991199 placeront le patient sous monitoring et commenceront les soins en appréciant la stabilité hémodynamique du patient. L’instabilité hémodynamique, se définissant comme une hypotension (Pression artérielle moyenne < à 70 mm de Hg) et une tachycardie (Fréquence cardiaque > à 120/ minutes) persistant après remplissage et contrôle de la douleur, signe une hémorragie grave. Le choc hémorragique dans un traumatisme thoraco-abdomino pelvien fermé ne peut provenir que de trois origines :  horacique, abdominale et rétro péritonéale (bassin). Ainsi après examen clinique rapide, le patient bénéficiera systématiquement d’une radiographie de thorax, d’une échographie abdominale (Fast écho dont l’unique but est d’objectiver la présence d’un épanchement intra abdominal) et d’une radiographie du bassin réalisées à son chevet afin de pister l’origine d’un saignement éventuel. Lors de ce bilan initial, ce sont les appareils d’examens qui viennent au patient, et non le contraire, afin d’optimiser une rapidité d’acquisition (dans les dix minutes) tout en mobilisant le moins possible un patient potentiellement instable. Ainsi, en cas d’instabilité hémodynamique d’origine thoracique ou abdominale, une thoracotomie ou une laparotomie sera réalisée.

En cas de fracture du bassin, une fermeture du bassin par fixateur externe (ou textile) sera effectuée. En l’absence de cause de saignement visualisée par ce bilan radiologique initial (ou persistance de l’instabilité), le patient devra alors bénéficier d’un total body scanner injecté à la recherche d’un saignement d’origine rétro péritonéal avec une artério embolisation derrière. De principe, en plus du bilan radiographique et échographique, tout patient polytraumatisé potentiel bénéficiera d’un bodyscanner injecté (sauf en cas de bloc opératoire intercurrent dû à une instabilité hémodynamique) afin d’éliminer une lésion méconnue (contusion splénique, hépatique, pancréatique, pulmonaire…) nécessitant une surveillance. Ce simple premier bilan radiographique (sans le scanner) permet déjà une prise en charge correcte de 85 % des patients. Car des lésions organiques  peuvent certes échapper au bilan radiologique initial, et être visible au scanner mais sans avoir forcément de retentissement sur le pronostic vital du patient. Quels enseignements pouvons-nous en tirer localement ? A Kinshasa, nous  isposons déjà de quelques ambulances au sein de la ville.

Ces véhicules devraient être médicalisés et optimisés de manière à monitoriser un minimum le patient jusqu’au centre de référence. Un plan dur et une minerve rigide systématique complèterait la sécurisation du transport. Quelques hôpitaux existant déjà sur place pourraient faire office de trauma Center, en tenant compte d’une répartition géographique permettant de baliser les différentes zones de la ville de façon équitable. Ainsi des hôpitaux, comme les cliniques Universitaires, l’Hôpital Général, l’Hôpital de Ngaliema ou d’autres encore, pourraient être sollicités, quitte à investir dans un réaménagement des lieux pour être en adéquation avec l’accueil de ces patients. Le déchocage est d’abord un lieu où l’on se consacre exclusivement à ces patients potentiellement graves, à l’écart des urgences tout venant. Ce tri est essentiel : hors de question que ces patients au pronostic vital réservé jusqu’à preuve du contraire, ne se retrouvent en salle d’attente au milieu de crises de paludisme, fièvres ou autres pathologies ambulatoires. Ce lieu spécifique se localise généralement à proximité voire au sein même des soins intensifs, de manière à pouvoir monitoriser ou réanimer le patient le cas échéant. Sans investir directement dans une salle de déchocage de luxe, cet espace pourrait dans un premier temps, correspondre à une chambre spacieuse des soins intensifs qui serait spécialement réservée pour l’accueil des cas graves.

En attendant un investissement dans des appareils de monitoring, les paramètres vitaux du patient (saturation, tension artérielle, pouls) pourront être relevés à intervalle s réguliers par le personnel infirmier et retranscrits manuellement. Les équipes médicales et paramédicales dédiées à la prise en charge de ces patients seront composées de personnels soignants formés à l’urgence et à la réanimation. Une équipe chirurgicale se tiendra en alerte en cas de nécessité. Il existe déjà à Kinshasa pléthore d’appareils de radiographies et échographies portables. Ainsi le premier bilan radiographique de débrouillage pourrait aisément être réalisé. 11992200 Ann. AfAr.n Mn.e Adf.r,. VMoel.d 8.,, VNo°l .28,, MN°a2r,s .M 2a0r1s5 2 015 En fin de compte, nous constatons qu’actuellement, tous les moyens permettant de prendre en charge 85 % des patients existent déjà sur place à Kinshasa. Le tout étant juste une question de réajustement, d’agencement et d’organisation. Afin d’assurer une prise en charge exhaustive, il conviendrait de munir tous les traumas center de scanner spiralé ainsi que d’un plateau technique d’artério-embolisation.

Ce qui  écessiterait de gros investissements en termes de matériels médicaux et de formation médicale et paramédicale. En attendant cette infrastructure supplémentaire (scanner et embolisation), les éventuelles informations fournies par un body scanner pourraient être obtenues par des radiographies cervicales (systématiques), dorso-lombaires ou autres (en fonction de la symptomatologie) et une échographie abdominale plus poussée (et non une simple FAST écho). La prise de sang associée permettra de confirmer un traumatisme hépatique (cytolyse) ou pancréatique (lipasémie) en relation avec la clinique. Il reste néanmoins la problématique liée aux lésions neurologiques (qui sont responsables de 40 % des décès) et à la nécessité d’embolisation pour des hémorragies rétro-péritonéales.

On pourrait envisager d’équiper dans un premier temps l’un ou l’autre trauma center en scanner, plateau technique d’artério-embolisation et spécificité neuro-chirurgicale, et organiser des transferts de patients entre les différents centres en fonction de la nécessité. Une autre problématique environnementale importante reste l’infrastructure routière. Afin de réduire le temps de prise en charge de ces patients, dont on sait que le pronostic dépend de la rapidité d’action, il est impératif d’encourager les pouvoirs locaux à investir dans la réfection et l’entretien des axes routiers.

Enfin, demeure le problème lié au coût des soins de santé. Il n’est pas rare qu’un patient ne soit pris en charge par l’équipe soignante qu’après versement d’une provision financière. Dans les situations d’urgence (Accident de voie publique par exemple), il faudrait donc espérer que le patient ait la somme requise sur lui et soit en état de pouvoir en disposer. Attendre un paiement préalable par l’entourage alerté ne ferait que différer la prise en charge et péjorer le pronostic vital du patient. Il conviendrait donc de penser à un système de cotisation sociale ou d’assurancemaladie (mutuelle), permettant une prise en charge d’office de ces patients graves, du moins jusqu’à stabilisation de l’état clinique. En définitive, une prise en charge efficace du patient polytraumatisé à Kinshasa reste tout à fait réalisable par une action conjointe des forces médicales, politiques et sociales.

Références 1. Wyen H1, Lefering R. The golden hour of shock – how time is running out: prehospital time intervals in Germany-a multivariate analysis of 15, 103 patients from the Trauma Register DGU(R). Emerg Med J. 2013 Dec; 30 (12): 1048-55. doi: 10.1136/emermed-2012-201962. Epub 2012 Dec 20.

2. Riou B, Thicoïpe M, Atain-Kouadio P, Carli P. Le traumatisé grave. Actualités en réanimation préhospitalière. Journées scientifiques des SAMU de France Société française d’éditions médicales 2002.

3. CRASH-2 trial collaborators, Shakur H, Roberts I, Bautista R, Caballero J, Coats T, Dewan Y, El-Sayed H, Gogichaishvili T, Gupta S, Herrera J, Hunt B, Iribhogbe P, Izurieta M, Khamis H, Komolafe E, Marrero MA, Mejía-Mantilla J, Miranda J., Morales C, Olaomi O, Olldashi F, Perel P, Peto R, Ramana PV, Ravi RR, Yutthakasemsunt S. Effects of tranexamic acid on death, vascular occlusive events, and blood  ransfusion in trauma patients with significant haemorrhage (CRASH-2): a randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2010 Jul 3; 376(9734):23-32. doi: 10.1016/S0140-6736(10)60835-5. Epub 2010 Jun 14.

CC BY 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution 4.0.

Back To Top