Les conséquences sociales de la tuberculose au Congo Belge | The social consequences of tuberculosis in the Belgian Congo
Kindombe Luzolo Esaie1 (Historien de la santé)
1 Institut National de Recherche Biomédicale (INRB/RDC)
kibain3@gmail.com
Résumé
Contexte et objectif. La lutte contre la tuberculose doit être globale, c’est dans ce cadre que nous avions fournir l’effort de restituer la totalité du social de la tuberculose dans son inextricable complexité au Congo-Belge, et pour ainsi contribuer à la connaissance de son évolution. Mais les conséquences sociales provoquées par la tuberculose au Congo-Belge sont paradoxalement inconnues. L’objectif de la présente étude était de fournir plusieurs séries des faits et phénomènes sociologiques liés à cette maladie au Congo Belge.
Méthodes. Nous avons utilisé la méthode historique pour faire ressortir la dimension historique des conséquences sociales de la tuberculose en utilisant les sources documentaires.
Résultats. En effet, les tuberculeux étaient perçus comme les agents des contaminations et comme dangereux pour l’ensemble de la société congolaise. Cette perception avait modifié les agir des gens en leur endroit. Elle amena la discrimination, la marginalisation, et le mépris des tuberculeux. Certains les considéraient comme étant les malhonnêtes, d’autres les qualifiaient de sorciers.
A la discrimination raciale qui existait déjà entre Africains et « Blancs », s’ajouta celle des « Blancs » contaminés et les non contaminés d’une part, et d’autre part, celle des Africains atteints est les non atteints de la tuberculose. Certains mariages étaient disloqués à la suite de mise en quarantaine de l’un de partenaire atteint de la tuberculose. Les responsables des familles qui étaient atteints de la tuberculose étaient obligés de laisser leurs familles pour aller vivre à l’écart, dans les sanctuaires des souffrances atroces et de la mort, privés de leurs siens. Abandon du travail en raison de la maladie ; ils étaient devenus dépendant soit du pouvoir public, soit des associations caritatives.
Les écoles, les églises, les marchés, les prisons, les lieux de deuils, les lieux des fêtes, les palabres, les lieux des danses, les lieux du travail, les familles, les hôpitaux, qui étaient considérés comme des lieux de socialisation et de solidarité, étaient devenus des lieux de transmission de bacille de Koch provoquant ainsi un état de crainte mutuelle entre les individus qui se rencontraient dans ces endroits. Voilà des réels problèmes sociaux nouveaux auxquels le pouvoir colonial était censé d’affronter.
Cet état de choses incita une très grande discrétion des témoins, c’est toujours avec une forme de pudeur extrême, de gêne même qu’un proche, qu’un collègue a avoué être atteint de la tuberculose. Cette discrétion a un sens, et traduit la conviction profonde que cette maladie avait une charge énorme de douleurs et d’angoisses. Les tuberculeux faisaient peur, car, dans l’univers mental du public, il y avait cette association classique : la tuberculose égale angoisse de la mort.
Être tuberculeux, c’est perdre sa liberté. Enfermés en permanence dans leurs souffrances, ils n’étaient pas les acteurs, mais des témoins de leurs temps. Ces malades paraissaient (aux praticiens) plutôt ennuyeux par ce qu’ils allaient généralement de mal en pis et devenaient, entre leurs mains, indociles, infidèles, décourageants des toutes les façons. […] ils considéraient les tuberculeux comme les plus fâcheux de leurs clients.
Dès lors qu’un malade entrait au sanatorium, il se trouvait le plus souvent brusquement emporté dans l’immense élan de solidarité fraternelle que l’on trouvait tant auprès de pensionnaires que des médecins, des internes et des infirmiers. […] Beaucoup de médecins engagés dans l’aventure y trouvaient l’occasion de constituer des microsociétés entièrement soumises à leur autorité. [..] Les comportements contradictoires des malades aux différents stades de la maladie, se voient alors donner pour l’explication commune l’affaiblissement de leurs volontés.
Les sanatoriums, camps de ségrégation, asiles, villages, etc., se peuplaient des cas extrêmes de la tuberculose. La mortalité y était élevée, et le tuberculeux africain que l’on décida de reléguer savait que cette décision d’être interné équivalait souvent à un arrêt de mort. On conçoit que les Africains tentaient d’échapper à cette hospitalisation, et que de nombreux malades, dissimulés par leur famille mouraient. […] C’est pourquoi en 1933, les autorités sanitaires affirmaient ce qui suit : «il est nécessaire de rendre des libertés surveillées aux tuberculeux que l’on a amélioré leur était sanitaire.
- Guebels, nous dit que de 1937 à 1947, la situation sanitaire défiante surtout d’un grand nombre d’Africains trouvait sa cause dans le manque d’une alimentation suffisante et convenable. La tuberculose s’abattait facilement sur un organisme dont la résistance était diminuée par un menu trop pauvre, par la sous-alimentation, par les mauvaises conditions de logement, ainsi que par la famine. Cette constatation montre comment les indigènes vivaient dans la médiocrité, dans la pauvreté extrême, dans l’océan de la misère, dans le manquement, bref, dans la précarité considérable.
Le charlatanisme aussi favorisait l’explosion, l’essor de cette maladie, un véritable fléau, qui tira sa gravité en donnant des faux espoirs aux malades, et en détournant les malades des règles proposées par la médecine officielle, et dont les effets pouvaient se lire dans l’augmentation statistique de la mortalité tuberculeuse. Car la médecine ne pouvait pas fournir de remèdes efficaces.
Les inégalités sociales, l’exploitation capitaliste étaient considérées comme responsable de la pauvreté et du mal.
Il est en revanche facile de dénoncer les conséquences néfastes de ce qui est, dans le meilleur des cas, simple imprévoyance, dans le pire, inconduite notoire du pouvoir colonial.
Mais, dans la grande majorité des cas, les conditions sanitaires étaient aussi la légitimation d’une hygiène qui dans l’autoritarisme de colonisateur ne respectait guère les champs de la vie privée. Condamnés d’avance dans leurs aspirations et leurs efforts, les pauvres étaient-ils séquestrés comme des pestiférés.
Les mauvaises conditions de travail dans des centres urbains et industrielles de 1916 à 1959 ont contribué à la diffusion de la tuberculose. A ce facteur se sont ajouté d’une part la mortalité considérable de la main-d’œuvre, et d’autre part l’inefficacité des services sanitaires et la sous-alimentation.
Conclusion. La tuberculose nous est apparue comme une endémie qui a consacré une discrimination raciale et sociale. Une maladie de la honte et de l’exclusion sociale. Le mode de la contagiosité de cette maladie en effet régissait toute une série de conséquences morales, sociales et pratiques. Le principe de la contagiosité, avait pour conséquence première, l’obligation de l’isolement en sanatorium, loin de siens, en milieu quasi carcéral, comparable à l’emprisonnement. Le malade était dans un bain permanant de la maladie et de la crainte de la mort.
Mots clés : Congo Belge, contagiosité, conséquences sociales, histoire, tuberculose
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