Au-delà des idées simples
Une université, une faculté qui forme
L’idée de la formation de l’élite congolaise n’est pas le fait du hasard. « L’université de Lovanium est née d’une idée médicale ». Cette phrase du Professeur Ndaywel a frappé les esprits au premier congrès de l’AFMED-UNIKIN en 2012.
La création de l’université congolaise n’était pas un acte philanthropique. En effet jusqu’en 1908, à la reprise de la Colonie par la Belgique, l‘organisation et la formation du personnel de la santé n’avaient jamais été le souci majeur des autorités coloniales belges : il n’y avait pas de structure administrative des activités de santé. Mais les maladies endémiques décimant les autochtones, privaient les colons des mains d’oeuvre laborieuses locales empêchant ainsi la rentabilité des exploitations agricoles et des ressources minières. La création des formations médicales ne fut donc qu’une solution pour soigner ces maladies de l’indigène, mais sous la responsabilité obligée des médecins et des moniteurs belges, dans le but d’optimiser son travail.
Cependant même plus tard, au début des années 50, à l’idée de la création de l’université de Lovanium, la faculté de médecine n’aurait jamais pu avoir le jour : des controverses majeures existaient dans la commission de la Faculté de Médecine. « Les membres de cette commission ramaient courageusement à contre-courant. En 1954, M. Robert, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles, insistait encore sur l’impossibilité d’organiser les études médicales au Congo. Il faut pour la formation des médecins, écrivaitil, « un ensemble des connaissances abstraites qui n’est pas encore accessible au cerveau du Noir, à peine sorti d’une civilisation élémentaire » (1). Heureusement l’esprit « progressiste et frondeur» des Jésuites parvint à vaincre ces obstacles, profondément idéologiques et racistes : la faculté de médecine fut créée, et avec elle, les Cliniques Universitaires de Kinshasa. Cette création a ainsi pu offrir au pays les premiers médecins autochtones, au cerveau noir, bien qu’en nombre relativement limité. Au fil du temps, et surtout avec l’accession du pays à l’indépendance, ce nombre n’a cessé d’augmenter avec la formation des étudiants en médecine, en pharmacie, en chirurgie dentaire… A cela s’ajoutait parallèlement la formation du personnel académique et scientifique et du personnel infirmier et des techniciens.
Plus tard, c’est la spécialisation des médecins, intra et extramuros (Ici et Ailleurs) qui a pu offrir au pays une multitude de compétences, toutes les compétences médicales et paramédicales qui existent dans le monde entier dont le pays peut s’en orgueillir. En exemple, entre autres, la renommée du Professeur Jean-Jacques Muyembe, doublement honoré cette année par l’Institut de France (Prix Christophe et Robert Mérieux) et par la Royal Society Award de Londres (Prix Pfizer) fait honneur à notre faculté. Une association qui renforce Une grande école ne vit pas que par son existence. Elle vit aussi et surtout grâce au dynamisme et à la renommée de ses anciens élèves. C’est une leçon universelle.
C’est pourquoi, 55 ans après la création de notre faculté, le mérite et la reconnaissance reviennent à ceux de ses enfants qui ont eu l’idée de créer en 2009 l’Association des Anciens de la Faculté de Médecine de l’Université de Kinshasa, AFMED-UNIKIN. Si une telle initiative pouvait paraître utopique, au regard de la dispersion des anciens élèves dans le monde, elle n’avait cependant pas de raison de ne pas réussir : 1) les ressources humaines, scientifiques et médicales de l’association sont immenses, 2) le plus grand nombre de ces anciens, de capacité et de valeur équivalentes, exercent dans le pays même, et enfin 3) lorsque la volonté existe, la étermination suit. Dans cette initiative, le rôle de la faculté mère a été significativement déterminant, au travers des implications personnelles des doyens successifs, les professeurs Mapunza, Punga et Kayembe. En association avec le corps enseignant, ceux-ci ont pu faire partager aux membres venant de l’étranger les préoccupations de l’école et ainsi poser les bases sur lesquelles les échanges doivent se faire, s’intensifier et évoluer.
Un congrès pour partager Lorsque, en octobre 2011, l’assemblée générale de l’AFMED-UNIKIN, tenue à Bruxelles, en Belgique, me confia la présidence de l’organisation du congrès, j’étais conscient de m’embarquer dans une aventure originale : des ressources intellectuelles dispersées, l’absence des structures adaptées pour organiser un congrès de société savante et les difficultés, encore actuelles, de réunir les moyens financiers. A cela s’ajoutent l’absence des partenaires, la carence de motivation des sponsors médicaux, l’absence d’un fichier des médecins, les difficultés d’identification et de mobilisation des membres, autant d’obstacles difficiles à surmonter. Mais le défi a pu être relevé grâce à la motivation de l’équipe d’Ici et d’Ailleurs, les comités international et national et l’implication de la faculté-mère. Ici, et au nom de l’association, je voudrais personnellement rendre hommage à deux des autorités de notre pays : la première est le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur Aubin Minaku ; car il a su très tôt saisir le sens de notre démarche et aussi comprendre que la vie des sociétés savantes contribuait au débat et au développement du pays (« Si vous commencez, d’autres vous suivront », disait-il dans son discours au premier congrès en 2012). Le second est le Gouverneur de la Ville de Kinshasa, M. André Kimbuta, qui a su nous ouvrir généreusement les « portes » de la ville. Sans leur mécénat, je dois reconnaître aujourd’hui que le premier congrès n’aurait jamais eu lieu. Ils nous accompagnent encore, et d’autres les ont rejoints. Notre congrès « Médecine d’Ici et Médecine d’Ailleurs » totalise quatre années d’existence. Il est jeune, comme notre association. Notre congrès est un succès parce qu’il est un creuset d’échanges et de partage des expériences des hommes et des femmes, animés par la même idée de progresser. Il a mis en place un cadre dans lequel la contribution de chacun est valorisée de manière à enrichir le patrimoine intellectuel et créatif du pays. L’organisation, hésitante au début, ne cesse de s’améliorer, au regard même de la participation sans cesse croissante, tant en nombre de participants qu’en nombre et qualité de contributions
scientifiques.
De général, le congrès est devenu multithématique : il a l’obligation de rassembler toutes les compétences et d’offrir à l’ensemble de sociétés savantes médicales de notre pays, en dehors de leurs congrès respectifs, un large espace d’échange et de discussion. Notre congrès a démontré sa capacité d’établir la confiance des uns avec les autres, une confiance sans laquelle le partage et le transfert des expériences ainsi que les émulations ne peuvent se faire. L’implication des principales formations hospitalières, des cliniques universitaires à l’hôpital de référence de la Ville de Kinshasa, en passant par la Clinique Ngaliema et la Clinique Monkolé, prouve à suffisance le rôle de notre association et son congrès dans la formation et le perfectionnement des personnels médicaux et paramédicaux. Notre association, comme notre congrès, est maintenant ouverte à tous. La garantie de notre réussite réside dans cette ouverture et aussi dans la mobilisation des adhérents. La garantie de la réussite est dans le plus grand nombre. Chacun doit y trouver sa place et apporter sa contribution.
- Auteurs : Jacques Mangalaboyi
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