La science d’aujourd’hui pour le développement de la République Démocratique du Congo demain
La recherche scientifique est un catalyseur certain du progrès socio-économique des pays développés. Le Japon, est une illustration d’une nation n’ayant dans son sous sol ni or ni diamant ; et pourtant ce pays est l’une des plus grandes puissances économiques du monde.
Dans notre pays, la RDCongo, l’autorité coloniale avait développé une politique évidente de recherche scientifique, illustrée par la création de nombreux centres de réputation internationale, tel l’Institut de Recherches Agronomiques de Yangambi (Province orientale).Après l’accession du pays à l’indépendance, la situation de la recherche s’est fortement dégradée , notamment à cause de l’exode de l’expertise coloniale, de la carence des chercheurs nationaux, mais surtout du manque des subsides de l’état. La création de l’Office National de Recherche pour le Développement (ONRD), a été une tentative de solution à cette situation dramatique. Cette institution était animée par des professeurs issus de trois universités nationales du moment (Université Lovanium, Université Officielle du Congo, et Université Libre du Congo).La fusion plus tard de ces trois universités en une entité nationale, l’UNAZA, et l’éclatement de cette dernière en institutions autonomes, ont eu des répercussions négatives sur le fonctionnement de l’ONRD, qui se disloquera en différents instituts, dont l’Institut de recherche en Santé (IRS).
L’état actuel de la recherche scientifique dans notre pays, interpelle les consciences. Parmi les causes de ce délabrement nous retiendrons notamment : la modicité du nombre de chercheurs dans les différents domaines scientifiques, l’absence de financement de l’Etat, la vetusté des infrastructures dans les universités et centres de recherche,l’inexistence d’équipes et de thématiques de recherche et enfin, le manque de motivations et de plans de carrières pour les chercheurs.A ce propos, un rapport de Global Research en 2010, révèle que la RDC n’est pas classée parmi les nations africaines qui se distinguent dans la recherche scientifique comme l’Afrique du Sud (47.000 publications entre 1999 et 2008), l’Egypte (30.000 publications), le Nigeria (10.000 publications).
Les missions de l’université qui sont : l’Enseignement, la Recherche, et les Services à la communauté, font de cette dernière, le moteur du développement intégral de la nation. L’université congolaise doit cesser d’être une tour d’ivoire, pour devenir une couveuse de rêves sociaux.Elle doit être un milieu d’excellence et d’expertise dans divers domaine de la vie sociale, économique, et morale ; comme illustré dans sa devise « Scientia splendet et conscientia ». La splendeur de la science est dans la vérité qu’elle porte en elle. Pour un développement harmonieux de la nation, il importe que la confiance s’installe à nouveau entre acteurs politiques, et chercheurs scientifiques, en vue de recréer un cadre susceptible de freiner la fuite des cerveaux, et de générer des conditions propices au développement du pays. Le recours entre autres aux diasporas scientifiques congolaises, l’élaboration des stratégies planifiées de recherche par thématiques et en équipes multidisciplinaires, ainsi que l’amélioration des conditions matérielles permettront de transformer la fuite de cerveaux en gain des cerveaux. Sans négliger le rôle de l’état dans le financement de la recherche, le chercheur devrait développer des aptitudes à soumettre des projets de recherche auprès des organismes internationaux qui soutiennent les activités de recherche dans le monde tels que le National Institute of Health (NIH/USA), Wellcome Trust/UK, TDR/OMS,…
Dans les universités, la recherche est généralement planifiée avec un résultat attendu bien identifié ; toutefois, il importe de rappeler que certaines découvertes scientifiques ont été fortuites. Le hasard (sérendipité) ne semble intervenir que chez les esprits prédisposés (préparés).
Le rôle de la serendipité dans la découverte scientifique remonte à l’antiquité. L’histoire des trois fils du roi de Serendip (actuel Ceylan) est bien connue. Chassés du royaume parce qu’ils avaient refusé de succéder à leur père, les trois fils de Serendip, au cours de leurs péregrinations, suivirent les traces d’un chameau :
– l’herbe était broutée à gauche et pas à droite, ils conclurent quel’animal était borgne ;
– l’herbe se trouvant sur le bord gauche de la route était mal mâchée, ils conclurent que l’animal avait perdu une dent ;
– les traces d’un pied étaient peu marquées sur le sol, ils conclurent que l’animal boitait.
Or ces indices et d’autres encore correspondaient à la description d’une bête perdue d’un chamelier du royaume voisin où les trois princes étaient arrivés. Accusés de vol, ils furent jetés en prison, puis libérés quand le chameau fut retrouvé sain et sauf.
Dans son conte philosophique « Zadic ou la Destinée », Voltaire décrit la disparition de la chienne et du cheval du roi de Babylone. Zadic qui ne les avait jamais vus en fit une description parfaite.Il fut arrêté aussitôt comme voleur et jeté en prison. Mais il expliqua qu’il avait déchiffré les traces laissées par les animaux sur le sol.Il fut ensuite libéré avec les louanges des juges pour « son profond et subtil discernement » Archimède, 22 ans, conseiller du roi Hiéron II de Syracuse (3ème siècle avant JC), était appelé à résoudre l’énigme suivante: comment s’assurer que l’orfèvre chargé de fabriquer la couronne du roi n’avait pas volé en substituant une partie de l’or par du plomb ou de l’argent?
Il observa lors d’un bain public, que le niveau d’eau montait à mesure qu’il s’immergeait dans la baignoire. Ce fut la découverte: Euréka! « J’ai trouvé! » A. FLEMING, un bactériologiste écossais, suite à de mauvaises manipulations, contamina son milieu de culture avec un champignon et constata que les bactéries ne poussaient pas autour de la colonie de ce champignon contaminant ; voilà comment la pénicilline a été découverte. Isaac Newton se reposait sous un pommier au village de sa mère et reçut une pomme sur la tête en 1666 ; il élabora ainsi la loi de l’attraction universelle.
En conclusion, la recherche scientifique a cessé d’être l’apanage des seuls Occidentaux. Elle s’avère être le catalyseur universel de divers facteurs du progrès socio-économique. La plupart d’industries des pays développés sont basées sur les résultats de la recherche.Nous aussi, nous pouvons maîtriser cet outil universel pour contribuer au développement socio-économique de la République démocratique du Congo de demain.
Pour cela il faut repenser notre système éducatif en partant de l’école maternelle à l’université. Avant 1960, l’enseignement était basé sur le principe « Non multa sed multum ».La quantité de diplômés importait peu ; l’accent était mis sur la qualité pour former une élite intellectuelle dirigeante. Ce produit qualitatif est sorti du creuset constitué par l’humanisme gréco-romain. Le diplômé des secondaires était un citoyen mûr formé en histoire, culture et civilisation. Après 1960, notre système éducatif avait complètement changé en « Non multum sed multa ». La qualité importait peu, il fallait former un grand nombre de futurs fonctionnaires dont le pays avait grandement besoin. Ce produit quantitatif est basé sur la science et la technologie. Ce qui devrait permettre un développement rapide du pays.Mais en réalité, le système éducatif actuel, que ce soit aux secondaires ou à l’université consiste en un bourrage des cerveaux avec d’innombrables matières abstraites ; l’étudiant n’est préparé ni à découvrir, ni à innover.
Il s’avère donc nécessaire d’inculquer la culture scientifique et la pédagogie de la sérendipité à tous les niveaux de notre système éducatif: maternelles, primaires, secondaires et universitaires.
Auteurs : JJ Muyembe-Tamfum
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