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Editorial du Volume 10 n°1

2016 en République Démocratique du Congo, d’une épidémie à une autre: émergence ou négligence?

2016 in the Democratic Republic of Congo, from one epidemic to another: emergence or neglect?


AHUKA Mundeke Steve, Institut National de Recherche Biomédicale (INRB) ; Service de Microbiologie, Cliniques Universitaires de Kinshasa, Faculté de Médecine, Université de Kinshasa

NSIO Mbeta Justus, Direction de Lutte contre la Maladie, Ministère de la Santé Publique

 

Comme les années antérieures, 2016 a connu plusieurs épidémies de maladies infectieuses dont certaines sont évitables par la vaccination. Ces épidémies répétitives ont atteint presque tous les coins du pays y compris les provinces nouvellement créées sans structure de santé solide pouvant faire face aux problèmes majeurs de santé publique. Ces épidémies qui -débutent souvent dans des milieux très reculés du pays dépourvus de structures de détection ou viennent de l’extérieur du pays en passant par des frontières permissives- finissent par arriver dans les grandes agglomérations réunissant toutes les conditions favorables à une forte contamination interhumaine: surpopulation, promiscuité, pollution, insalubrité, urbanisation anarchique,… Cela constitue une menace non seulement pour la santé nationale, mais aussi la santé mondiale, de plus en plus fragile comme l’ont si bien démontré les dernières épidémies d’Ebola, de la fièvre jaune et de Zika dans le monde. Leur lourd tribut, en terme de morbimortalité et impact sociodémographique contrastent avec les moyens mis à disposition pour leur contrôle au niveau du pays.

D’abord l’année a commencé avec l’épidémie de fièvre jaune venue de l’Angola, qui atteignit en quelques mois 5 provinces de la RDC y compris Kinshasa, une mégapole de plus de 10 millions d’habitant. Cette épidémie n’a été déclarée officiellement qu’au mois de Juin 2016, alors que les premiers cas importés d’Angola ont été rapportés plus de 3 mois plutôt, au mois de Mars. Elle a occasionné près de 79 cas confirmés avec 19 décès sur plus de 3000 cas suspects notifiés. N’eut été la forte campagne de vaccination de masse utilisant les doses minimales protectrices, son évolution aurait été très probablement catastrophique. Si le dernier cas de fièvre jaune importé d’Angola date du mois d’octobre 2016, la déclaration de fin d’épidémie n’est pas encore faite suggérant que la vigilance devrait être maintenue.

Ensuite éclata celle du Choléra, héritée de l’année précédente. Presque qu’endémique à l’est du pays (sites sanctuaires), l’épidémie de Choléra de 2016 a connu une dynamique particulière allant de l’est vers l’ouest et même l’extrême l’ouest vers le Kongo Central. Le contrôlable (pour ceux qui se préparent) aurait été l’épidémie de la rougeole, une maladie évitable par la vaccination introduite dans le programme élargi de vaccination depuis plusieurs années. Cependant en 2016, la rougeole a été la révélation de l’année car présente durant presque toute l’année sans répit malgré les campagnes des vaccinations de masse répétitives. Ces efforts ont apparemment été incapables de prévenir les épidémies de rougeole comme ce fut le cas au Maniema où une épidémie survint quelques semaines seulement après une campagne de vaccination de masse.

L’année 2016 a aussi connu des épidémies moins médiatisées mais non moins morbides ni mortelles. C’est le cas des épidémies de méningite, de gastroentérite chez les enfants, de rage, de la grippe ou encore la fièvre typhoïde. D’autres par contre ont été largement répandues comme celle de conjonctivite (Appolo) qui malheureusement a suivi tranquillement son cours avec son lot de séquelles sans qu’aucune intervention n’ait été envisagée même pas la simple notification des cas à des fins de traçage épidémiologique. Mais il existe probablement beaucoup d’autres épidémies qui sont passées inaperçues non sans dégâts au cours de l’année 2016. Seules des études ultérieures nous renseigneront sur leur existence et ampleur.

Ainsi 2016, aura été, malheureusement comme les années antérieures une année à épidémies. Cette situation soulève les questions suivantes : Quelles sont les leçons apprises pour améliorer la gestion future des prochaines flambées ? Leurs causes et facteurs déclenchants ont-ils été bien élucidées ? Leurs gestions ont-elles été évaluées ? Enfin, pourquoi cette récurrence annuelle des épidémies en RD Congo ? La réponse partielle à ce questionnement serait à notre entendement liée aux émergences. En effet, notre pays offre toutes les conditions optimales pour l’éclosion des épidémies notamment : une flore et faune diversifiées, avec une circulation de multiples agents pathogènes et la combinaison de nombreux facteurs environnementaux,…. On peut également évoquer en second lieu, la faiblesse du système de santé et la négligence dans la mise en place d’un système de détection précoce et de riposte efficace. D’ailleurs cette négligence ne serait-elle pas par elle-même la cause majeure de l’émergence ? Ces deux facteurs, l’émergence d’une part, et la négligence fruit de la faiblesse d’organisation des systèmes de santé d’autre part » sont à considérer par les agences du gouvernement chargées de la prévention et de la gestion des épidémies. Il est toutefois impératif que ces agences bénéficient des moyens conséquents et multiformes de la part du gouvernement pour bien remplir leur mandat et prévenir cette situation qui s’apparente à une tragédie. L’année 2017 sera-t-elle différente ?

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