Editorial : Nouvel épisode de la maladie à virus Ebola à Bikoro
Nouvel épisode de la maladie à virus Ebola à Bikoro: l’expérience congolaise mise à l’épreuve !
New episode of Ebola disease in Bikoro: the Congolese experience is challenged !
On l’attendait beaucoup plus tard comme on en a eu l’habitude au cours de ces dix dernières années, c’est-à-dire survenant toutes les deux à trois années… Cependant cette fois-ci, l’épidémie de la maladie à virus Ebola (MVE) vient d’éclater exactement une année-jour pour jour- après celle de Likati de 2017 dans la province de Bas-Uele. Cette épidémie qui est causée par la souche Ebola Zaire survînt dans un village de la cité de Bikoro en province de l’équateur situé à mi-chemin entre Yambuku (épidémie de 1976), Tandala (épidémie de 1977), Boende (épidémie de 2014), et Likati (épidémie de 2017) en pleine région forestière dans la partie nord du pays d’où d’ailleurs surviennent la majorité des épidémies d’Ebola de la République Démocratique du Congo (RDC). Déclarée officiellement à la première semaine le 8 mai, elle a déjà au 31 mai 2018 causé 50 cas dont 37 confirmés et 25 décès (soit 50% de décès). Les symptômes débutant sont restés les mêmes à savoir : fièvre, maux de tête, douleurs musculaires et des frissons puis une hémorragie interne provoquant vomissements ou une toux avec crachat sanguinolant.
Les autorités sanitaires nationales et internationales restent confiantes sur le contrôle très rapide de ce fléau dans les trois mois comme ce furent les cas des précédentes épidémies. Cette confiance se fonde d’une part sur la forte expérience congolaise en matière de la gestion des épidémies de la MVE avec 8 épidémies en quarante années, mais aussi sur les leçons apprises par la communauté sanitaire mondiale en termes de préparation et riposte lors de la dernière crise en Afrique de l’Ouest. La disponibilité d’un vaccin prometteur ainsi que l’utilisation des candidats médicaments (antiviraux et cocktail d’anticorps monoclonaux) à titre compassionnel renforcent davantage cette assurance.
Toutefois, il est important de noter que cette neuvième épidémie de la MVE que connaît notre pays présente quelques particularités qui la diffèrent des précédentes et dont on devrait tenir compte dans la prédiction de l’évolution de ce phénomène.
La première particularité de cette épidémie est qu’elle a présenté d’emblée plus d’un foyer: la zone de santé de Bikoro où les supposés premiers cas ont été identifiés et confirmés et la zone de santé d’Iboko (Iboko centre et d’Itipo) d’où finalement provenaient ou proviennent encore la majorité des cas. La connaissance de l’épicentre d’un évènement épidémique particulièrement, celle d’une maladie aussi grave et transmissible que la MVE est très importante ; à identifier dès les premières heures de l’épidémie. Ceci permet de guider le choix des lieux où les activités de riposte doivent être concentrées, afin de contenir la propagation du phénomène en son lieu d’éclosion et de prévenir son extension vers d’autres sites. S’il est sûr que les investigations en cours et ultérieures en terme de traçage historique des cas et traçage phylogénique du virus pourront fournir des réponses à cette question, il sied de se rappeler que l’imprécision sur l’identification du foyer initial qui semble caractériser cette épidémie pourrait compliquer sa contention en première intention.
Une autre particularité de cette épidémie est son extension au delà de son lieu d’éclosion (Bikoro ou Iboko). En effet seulement une semaine après la déclaration officielle, l’épidémie est arrivée à Mbandaka avec 4 cas confirmés dont 2 avec liens épidémiologiques identifiés avec ceux de Bikoro. Cette extension rapide à Mbandaka, un milieu urbain de près d’un million d’habitant, peut se justifier très aisément d’une part par sa proximité avec les sites épidémiques mais aussi et surtout par la mobilité des personnes et l’activité commerciale intense dans cette région facilitée par la présence des nombreuses cours d’eaux. Cette extension urbaine d’une épidémie de la MVE élève d’un degré le risque de propagation dans d’autres provinces du pays y compris Kinshasa, la capitale de la RDC, fortement connectée à la ville de Mbandaka tant par voie fluviale que aérienne. La République du Congo voisine n’est pas non plus épargnée !
Enfin la dernière particularité est l’utilisation de la vaccination comme stratégie de riposte en appui aux six piliers traditionnels de la riposte Ebola. En effet la vaccination, une des grandes leçons tirées de la crise de l’Afrique de l’Ouest et adoptée par l’Organisation Mondiale Santé (OMS), sera une nouvelle expérience pour les équipes congolaises habituées à contenir les épidémies sans cette stratégie. Pour sa réussite cette stratégie exige une bonne surveillance épidémiologique en vue d’identifier de manière exhaustive tous cas contacts des patients ainsi qu’une sensibilisation de la communauté par une bonne communication. Ces conditions ne semblent pas à ce jour complètement remplies.
A ces particularités, il faut ajouter une autre qui n’en est une car commune à chaque épidémie mais pour Ebola elle devient plus visible. Il s’agit de la présence des humanitaires et autres agents d’organisations internationales qui arrivent en nombre, en grand nombre et parfois en très grand nombre avec des moyens conséquents sans doute pour aider…aider le pays et le monde entier! Cependant leur action et surtout leur déclaration peuvent parfois les éloigner de leur objectif premier c’est à dire aider le pays à contrôler l’épidémie.
Dans ce contexte, l’expertise congolaise acquise au cours de quarante années de gestion des épidémies de la MVE se trouve pour la première fois mise à l’épreuve car à notre entendement, un seul mot caractérise finalement cette neuvième épidémie: Imprévisible !
Enfin, la participation de la communauté est essentielle pour juguler la maladie. Pour être efficace, la lutte doit se fonder sur un ensemble d’interventions: prise en charge de cas, mesures de prévention des infections (lavage des mains, éviction des contacts directs ou rapprochés avec des sujets présentant des symptômes d’Ebola en particulier avec leurs liquides biologiques…) et de lutte, surveillance et rechercher des contacts, services de laboratoire de qualité, inhumations sans risque et mobilisation sociale.
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