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Ebola en RDC: Entre succès et nouveaux défis

En août 2014, la République Démocratique du Congo (RDC), pays d’Afrique centrale de plus de 60 millions d’habitants, faisait face pour la septième fois de son histoire à une épidémie de la maladie à virus Ebola dans sa partie nord-ouest. Les six précédentes épidémies de ce fléau avaient atteint 4 des 11 provinces du pays: Equateur (Yambuku, 1976 et Tandala, 1977), Bandundu (Kikwit, 1995), du Kasai occidental (Mweka, 2007 et Kaluamba, 2008) et la Province orientale (Isiro, 2012). Si à ce jour, toutes ces épidémies sont restées circonscrites et contenues à leur lieu d’éclosion grâce aux mesures de contrôle mises en place par les autorités sanitaires de notre pays; elles s’accompagnent cependant d’une mortalité très élevée, d’une désorganisation du système de santé ainsi que des dégâts socio-économiques importants. A ce sujet, l’épidémie de Kikwit qui était survenue en 1995 (près de 20 ans après la première épidémie de Yambuku) reste la plus importante avec plus de 315 personnes infectées et une mortalité estimée à plus de 80%.

Il y a près de trois ans, une autre épidémie éclatait cette fois-ci pour la première fois à Isiro dans la partie orientale du pays. Une souche différente de celles qui sévissaient jusque là en RDC (Ebola Zaïre et Soudan) en était la cause : la souche Ebola bundibugyo découverte en 2007 en Ouganda d’où la ville d’Isiro est proche. La toute dernière épidémie qui a eu lieu à Boende, -une agglomération de près de 40.000 habitants en province de l’Equateur située à plus de 800 Km de Kinshasa- tout comme les 6 précédentes épidémies ont été contrôlées avec succès endéans 2 à 4 mois de leurs déclarations. Cette maîtrise des épidémies à Ebola constitue pour la RDC une véritable prouesse dans la lutte contre les maladies hautement contagieuses et mortelles. C’est aussi une expérience à partager avec les autres pays de la région et du monde particulièrement ceux d’Afrique de l’ouest confrontés à la plus grave épidémie de cette maladie.

En effet, depuis le début de l’année passée, cette région d’Afrique est confrontée à la plus importante épidémie d’Ebola (différente de celle de Boende) dont la mortalité et la morbidité dépassent celles de toutes les précédentes épidémies cumulées depuis 1976. Commencée dans la partie forestière de la Guinée Conakry, l’épidémie s’est rapidement disséminée dans la capitale Conakry avant d’atteindre la Sierra Leone puis le Liberia où l’on assiste à une véritable catastrophe humanitaire. On a également noté quelques cas importés au Sénégal, au Nigeria et au Mali mais aussi en dehors du continent africain (Europe et Etats-Unis). Les raisons pour lesquelles l’épidémie en Afrique de l’ouest semble incontrôlée seront sans doute élucidées plus tard car les investigations sont en cours. Cependant, il sied de signaler qu’à coté des facteurs habituellement cités pour expliquer l’émergence d’une épidémie d’Ebola notamment la promiscuité avec la forêt (animaux sauvages), l’hygiène hospitalière insuffisante, les rites mortuaires, … Il faudrait noter que cette épidémie arrive dans des grandes villes des pays dont certains sont post conflits armés et où la population, constamment en mouvement, présente une faible adhésion aux autorités politiques et à la médecine occidentale (faible taux d’utilisation des services).

Dans ce contexte, la RDC habituée à gérer des épidémies rurales (locales) doit désormais se préparer à faire face à des éventuelles épidémies qui viendraient cette fois-ci de l’extérieur du pays. Ces épidémies externes (importées) qui arriveraient par le port ou l’aéroport d’une grande ville seront plus difficiles à contenir à cause entre autres de la densité et du mouvement intense de la population qui caractérisent les grandes villes congolaises. Cependant, l’expérience du Sénégal et du Nigeria -qui ont réussi à contenir la progression de cette maladie dans des grandes villes comme Dakar et Lagos-, fait croire que la RDC avec une expertise indéniable de gestion de plusieurs épidémies au cours de ces dernières décennies pourra y faire face avec succès. Toutefois, l’autorité de la santé de la RDC doit désormais considérer dans le plan de prévention et de contrôle de ce fléau l’existence de ces deux potentiels foyers : l’interne déjà connu et jusque là maîtrisable et l’externe…peut être à connaître. Cependant, la mise en place d’une surveillance active (clinique, épidémiologique et microbiologique) à l’interface du monde animal et humain associée à une collaboration et échange d’informations entre différents services impliqués (INRB, DLM, Hygiène aux frontières, Universités, Ecole de Santé Publique, Laboratoire vétérinaire, ONG, partenaires extérieurs) aideraient à détecter à temps une telle émergence et surtout à en limiter la propagation.

Auteurs : Steve Ahuka Mundeke, Jean-Jacques Muyembe, Justus Nsio Mbeta

Steve Ahuka Mundeke (MD, MTM, PhD) & Jean-Jacques Muyembe (MD, MTM)
Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), RDC.
Service de Microbiologie, Faculté de Médecine, Université de Kinshasa, RDC.
Justus Nsio Mbeta (MD, MPH)
Direction de Lutte contre la Maladie (DLM), Ministère de la Santé Publique, RDC.

 

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