Comment conscientiser sa pratique afin de favoriser l’expertise ?
.:: Auteur : Musete C
Cadre Infirmière, Enseignante
IFSI, Paris, France
«La pratique sans la théorie est aveugle, la théorie sans la pratique est impuissante» (KANT). Le but de cette présentation est de permettre de comprendre comment les professionnels peuvent apprendre à partir de leur propre expérience. Aujourd’hui, une structure sanitaire, un hôpital fonctionne comme une entreprise. Comme une entreprise, elle a besoin des véritables expertises afin de répondre aux exigences de la rentabilité et de la performance.
Il ne s’agit donc plus seulement d’acquisition de connaissances uniquement, mais de la construction de compétences. Pour développer les compétences et favoriser l’expertise, il est primordial de partir de l’expérience. Et pour que le professionnel de la santé arrive à prendre conscience de ce qu’il fait, à valoriser sa pratique et à repérer les schèmes opératoires, il est nécessaire qu’il soit accompagné. On peut recourir alors à une analyse pratique. 11995522 Ann. AfAr.n Mn.e Adf.r,. VMoel.d 8.,, VNo°l .28,, MN°a2r,s .M 2a0r1s5 2 015 Lors d’une séance d’analyse de pratique, un professionnel de la santé relate une situation vécue.
Il s’agit, par exemple, d’une consultation d’accompagnement après le diagnostic d’un cancer. Dans son récit, il va livrer son ressenti face à cette situation : «Ça été très difficile pour moi, j’ai eu l’impression d’être inutile, de ne pas avoir aidé ce patient ».Ces énoncés ne sont pas l’expression des faits, ils n’apportent aucune information sur la réalisation de l’action ni sur la nature des résultats qu’elle a pu produire. Dans la séance d’analyse, le guidage du formateur permet à l’interviewé, au soignant de se recentrer sur l’action elle-même. Il a pour but de le ramener vers la réalité de son vécu : « Et quand vous dites que ça été difficile, que s’est-il passé exactement ? Qu’avez-vous fait ? ».
Cela le conduit à la verbalisation du vécu, la mise en mot de l’action : « j’ai essayé de lui poser des questions pour l’aider à verbaliser ses émotions ou son vécu par rapport à cette annonce… », «Mais il est resté muet sans dire un mot, le regard dans le vide, j’ai fini par lui dire qu’on allait s’arrêter là pour aujourd’hui que si il souhaitait on pouvait refixer un autre rendez-vous». Un des participants à la séance peut lui expliquer l’expérience vécue dans son service : dans un tel cas, on s’est rendu compte que faire les consultations d’accompagnement immédiatement après l’annonce n’était pas bénéfique pour le patient, car il était encore sous le choc de l’annonce, encore en sidération, donc dans l’incapacité d’être dans un travail d’élaboration. Selon Guy Leboterf :
« C’est en découvrant les représentations d’autrui sur un problème ou une situation qu’on prend conscience des siennes et qu’on les relativise». Ainsi la mise en confrontation avec la façon d’agir de ses pairs permet à l’interviewé de prendre conscience du déplacement que le soignant peut faire dans la relation : «Il ne s’agit pas de ma capacité à pouvoir faire verbaliser le patient mais du patient et de sa difficulté à cheminer, il a besoin de plus de temps ». Cela permet à l’interviewé de conceptualiser sa pratique. Ainsi, le soignant comprendra que le fait de différer la consultation permet au patient de se sentir compris et respecté dans son vécu. L’activité de métacognition joue un rôle important dans le développement de la faculté à effectuer des transferts d’apprentissage.
En devenant explicites, les connaissances et les schèmes deviennent des objets de travail et de communication.
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