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La prise en charge du Carcinome Hépatocellulaire n’est pas optimale en République Démocratique du Congo

L’éditorial de Hépatogastro et Oncologie digestive de juin 2015, intitulé « Carcinome hépatocellulaire : on peut en guérir beaucoup plus ! » (1) avait entre autres comme objectif, de prolonger l’agacement d’un de nos maîtres, hépatologue, Le Professeur Trinchet, récemment décédé, qui qualifiait d’« insupportable » le manque d’organisation dans la prise en charge du Carcinome Hépatocellulaire (CHC) en France. Sa réaction aurait été sans doute encore plus violente s’il avait fait allusion à la situation en Afrique, plus particulièrement dans notre pays, la République Démocratique du Congo (RDC). En juillet 2015, Le CHC a fait l’objet d’une mise au point de la société nationale Française de Gastroentérologie (SNFGE) (2), confirmant l’attention particulière qui devrait être portée dans le management de cette pathologie. La cirrhose hépatique, principalement post virale B ou C, mais aussi alcoolique, est fréquente en RDC et fait le lit, dans 90% des cas de CHC ; les hépatopathies chroniques constituant la part restante (3).

En Afrique et en Asie, l’aflatoxine, une mycotoxine sécrétée par Aspergillus flavus, parasitant les arachides, est aussi reconnu responsable de l’apparition du CHC (4).

Le surpoids, associé au diabète dans le cadre du syndrome métabolique, augmente sensiblement le risque de survenue du cancer du foie (4).

Le pronostic du CHC est sombre, avec un taux de survie global à 5 ans inférieur à 10% (30-40% pour les stades curables), mortalité, en France, à peine plus « faible » que pour le mésothéliome et le cancer du pancréas (5).

En RDC, La prise en charge du CHC n’est pas optimale, et cela s’explique par plusieurs raisons :

  • Cette pathologie affecte généralement des patients jeunes, autour de la trentaine du fait d’une forte prévalence de portage des virus B et C dès le très jeune âge (6). Le diagnostic est souvent tardif ; et ceci n’est pas toujours expliqué par des difficultés, financière, culturelle et géographique, d’accès aux soins ;
  • Il n’y a pas de protocole de diagnostic et de surveillance des pathologies prédisposant au CHC.

Rares sont les patients cirrhotiques qui bénéficient d’un protocole de suivi semestriel par échographie couplée ou non à un dosage de l’alphafoetoprotéine. Cette attitude a pourtant montré son intérêt, en permettant un diagnostic de CHC à un stade curable dans 75% des cas (7).

Rares sont les personnes porteuses des virus de l’hépatite B et C qui bénéficient d’un suivi médical bi ou tri annuel en RDC, le nombre de gastroentérologues (14 pour environ 70 millions d’habitants) étant insuffisant (8).

La découverte d’un nodule hépatique à l’échographie ou au scanner associée à un taux d’AFP supérieur ou égale à 400 permet d’évoquer le CHC.

Les possibilités de traitement du CHC sont limitées en RDC :

  • Le nodule unique, de moins de 5 cm de diamètre, est une indication de résection chirurgicale. Les rares compétences médicales sont confrontées au problème de manque d’équipement ou de matériels appropriés. Cette chirurgie est donc exceptionnelle en RDC.
  • Aucune équipe ne pratique d’embolisation ou de chimioembilsation.
  • Aucune structure médicale ne réalise la transplantation hépatique, seule option pouvant traiter le cancer, en stade précoce, en même temps que sa cause (cirrhose) en RDC.

L’alcoolisation et la radiofréquence, proposées dans des cas de nodules en nombre limité, faisant moins de 5 cm de diamètre ne sont pas réalisées.

En cas de volumineuse lésion (plus de 5 cm) ; ou de plus de 3 lésions hépatiques, bilatérales, les options décrites ci-dessus sont dépassées. Une thérapie ciblée antiangiogénique (Sorafénib) peut être proposée après confirmation du CHC par biopsie hépatique. Mais ce prélèvement n’était plus effectué en RDC depuis de nombreuses années. Et lorsque ce traitement est tout de même prescrit, les rares familles capables de se procurer ce produit doivent utiliser des filières étrangères (indiennes ou autres).

Il y a donc urgence à organiser la prise en charge du CHC en RDC. Il faudra commencer par établir une (puis des) équipe(s) spécialisée(s), avec des moyens matériels de dépistage, de diagnostic, de suivi, et de traitement ; suivi de la mise en place des filières et la vulgarisation des centres de référence. Les compétences peuvent s’acquérir et se développer vite ; il faut une prise de conscience collective pour anticiper, plutôt que d’attendre qu’un parent, un frère, une sœur, un ami, un fils, une fille,…. soi-même, soit concerné.

Références

  1. Barbare JC. Carcinome hépatocellulaire : on peut en guérir beaucoup plus ! Hépato Gastro2015 ; 22 : 449-453.
  2. Carcinome hépato cellulaire, mise au point de la société nationale française de gastroentérologie (snfge.org), juillet 2015.
  3. Fattovich G, Stroffolini T, Zagni I, Donato F, « Hepatocellular carcinoma in cirrhosis: incidence and risk factors »Gastroenterology. 2004; 127: Suppl 1: S35-S50.
  4. Calle EE, Rodriguez C, Walker-Thurmond K, Thun MJ, « Overweight, obesity, and mortality from cancer in a prospectively studied cohort of US adults » [archive] N Engl J Med. 2003;348:1625-1638. []
  5. Grosclaude P, Remontet L, Belot A, et al. Survie des personnes atteintes de cancer en France1989-2007. Etude à partir des registres des cancers du réseau Francim. Rapport INCA INVsFrancim INSERM Hôpitaux de Lyon. 2013. http://www.e-cancer.fr/publications/696-estimation-nationale-de-incidence-et-de-la-mortalite-par-cancer-en-france-entre-1980-et-2012-partie-1-tumeurs-solides.
  6. Klotz F, Debonne JM, Richecoeur M, « L’hépatocarcinome sous les tropiques ». Acta Endoscopica Volume 1999; 29.
  7. Trinchet JC, Chaffaut C, Bourcier V, et al. Ultrasonographic surveillance of hepatocellular carcinoma in cirrhosis; a randomized trial comparing 3- and 6-month periodicities.Hepatology 2011; 54: 1987-97.
  8. Tshimpi A, Bomba E. Endoscopies digestives en République démocratique du Congo : état des lieux en 2013. Présentation congrès AFMED-Unikin 2013.

Antoine Tshimpi

Unité d’endoscopies digestives

Service de HépatoGastroEntérologie

Cliniques Universitaires de Kinshasa

République démocratique Congo

e-mail : antshimpi@aol.com

CC BY 4.0 Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution 4.0.

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